|  |     Voici de larges extraits de l'interview de Christian Wagner, réalisateur 
        de Ghettokids, parue dans ARTE TV Magazin (octobre 2002). Ghettokids montre un visage méconnu de la ville de Münich, 
        plus connue pour son chic que pour ses quartiers difficiles où 
        les jeunes grandissent entre la misère, la délinquance et 
        les conflits inter-ethniques. Christian Wagner a choisi des acteurs non professionnels, venus directement 
        du quartier de Hasenbergl, un de ces quartiers chauds munichois. ARTE 
        TV Magazin a rencontré le réalisateur et les jeunes acteurs 
        principaux à la fête du cinéma de Munich.
 
 Herr Wagner, qu'est-ce qui vous a amené à faire ce film?
 Christian Wagner: Après qu'on m'a soumis le projet, nous 
        avons travaillé avec Susanne Korbmacher-Schulz, qui a fondé 
        l'association « enfants des Ghetto -projets sociaux », et 
        la scénariste Gabriela Sperl sur le script. Susanne Korbmacher 
        est professeur à Hasenbergl et très engagée auprès 
        des enfants et des jeunes de ce quartier défavorisé. Elle 
        a proposé des jeunes du quartier pour le casting. C'était 
        très risqué pour moi et les producteurs car si un seul de 
        ces enfants avait mal joué, tout le film en aurait souffert.
 
 Travailler avec des acteurs non professionnels a-t-il été 
        difficile?
 Christian Wagner: La question plânait toujours: pourront-ils 
        vraiment tous tourner ? (rit). Le dernier jour du tournage, il y en a 
        même un qui est partie en douce avec les fringues, chères, 
        du tournage mais sinon, il n'y a pas eu de grosses pannes. Quand on est 
        respectueux avec les jeunes, en général, on n'est pas déçu. 
        On a fignolé ensemble le scénario, les acteurs aussi. Pour 
        moi en tant que réalisateur, c'était une méthode 
        de travail complètement différente et un challenge qui m'a 
        énormément amusé.
 
 Avez vous l'impression que votre film a changé quelque chose 
        dans la vie de ces jeunes?
 Christian Wagner: Ce qui me réjouit, c'est que quelques 
        uns ont amélioré leurs résultats scolaires, comme 
        Loannis (Christo) ou Onur (Orcun).(...) Tous ont extrêmement bien 
        réagi au film. Il faut aussi considérer qu'un tel tournage 
        est très astreignant. Ils ont tous été super et j'espère 
        qu'ils pourront en tirer une certaine motivation. On a pu même pu 
        voir chez certains un vrai talent d'acteur (...).
 
 
 |  |  La situation à Hasenbergl est elle vraiment si grave?Toni Osmani : Je connais des familles chez qui tu vois du moisi 
        partout dans l'appartement. La puanteur te tue. Nos voisins, par exemple, 
        ils sont complètement fous. Ils jettent les couches sales dans 
        le couloir et toutes leurs ordures par le balcon. L'hiver, il fait toujours 
        super froid dans certains appartements parce que le chauffage ne fonctionne 
        pas chez tout le monde. Y'a toujours quelque chose de cassé. C'est 
        vraiment dur dans ces quartiers. Partout des toxicos et des gens finis. 
        Je connais une famille avec huit enfants qui vivent dans quatre pièces. 
        On ne peut pas s'imaginer des choses comme ça.
 
 Herr Wagner, vous êtes vous inspiré d'images comme celles 
        de « La Haine », qui se passe en banlieue parisienne ?
 Christian Wagner:  Bien sûr, Munich n'est pas Paris. Les 
        banlieues parisiennes, en comparaison de celles de Munich, sont une véritable 
        poudrière. D'un autre côté, précisément 
        à Munich, on ne se douterait pas qu'il existe une sorte de ghetto. 
        Il y a beaucoup de problèmes qui sont simplement mis de côté. 
        Au-delà de son aspect BCBG, Munich a aussi sa part d'ombre.[...]
 
 La première projection à l'Arri-Kino durant la fête 
        du cinéma de Munich a été un énorme succès. 
        Vous avez même eu droit à une standing ovation. Comment vous 
        l'expliquez vous Christian Wagner:  Je crois que la sincérité 
        et l'authenticité touchent les gens. (...) Les spectateurs ont 
        envie de voir du réel. Dans le contexte de l'étude Pisa 
        (étude comparative sur l'état du système éducatif 
        qui a révélé que le système allemand était 
        en mauvaise position), et du débat sur l'immigration, qui est terriblement 
        manipulé par les hommes politiques, le film est très actuel. 
        Ce qu'il montre n'est que la partie émergée de l'iceberg. 
        Au vu de tous les problèmes, le projet social de Susanne Korbmacher 
        n'est qu'une goutte d'eau dans la mer. Il devrait y avoir plus de gens 
        comme elle. Cette époque de spéculation boursière 
        met en avant trop peu de modèles. Il faut dire clairement aux gens 
        qu'il y a autre chose dans la vie que l'argent et les voitures. On devrait 
        se demander : quel modèle de vie montre-t-on aux enfants ?
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